Méthodes de dimensionnement des ouvrages de stockage restituant par évapotranspiration (HU)
Traduction anglaise : Design méthods for storage facilities using evapotranspiration
Dernière mise à jour : 01/05/2025
Cet article présente les différents méthodes utilisables pour évaluer le volume susceptible d'être stocké dans les ouvrages qui se vidange au moins en partie par évapotranspiration, c'est à dire principalement les toitures végétalisées, les massifs enterrés et les microstockages.
Sommaire
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Nature des ouvrages concernés
L'idée d'utiliser l'eau de pluie pour mieux alimenter la végétation urbaine, et, réciproquement, d'utiliser la végétation pour mieux gérer l'eau de pluie, présente de multiples intérêts en termes hydrologiques, bioclimatiques, esthétiques et économiques.
Le stockage de l'eau s'effectue généralement dans le substrat servant de support à la végétation et éventuellement dans une réserve complémentaire (dispositifs à réserve d'eau : figure 1).
Cette solution peut se mettre en place de deux façons différentes :
- au dessus d'un support perméable, les ouvrages restituant alors l'eau provisoirement stockée dans le substrat par infiltration et par évapotranspiration ;
- au dessus d'un support imperméable (par exemple sur le toit d'un immeuble), ce qui interdit bien évidemment l'infiltration.
Dans ce second cas (et parfois également dans le premier si la capacité d'infiltration est trop faible) une évacuation de l'eau vers un autre exutoire doit être prévue lorsque la capacité de stockage maximum est atteinte (trop plein).
L'évacuation du volume qui ne peut pas se stocker dans l'ouvrage s'effectue au point bas de l'ouvrage pour éviter de saturer le substrat de façon durable ce qui poserait des problèmes à la végétation (il est également possible d'installer un trop plein dans la partie supérieure). Elle peut se faire (figure 2) :
- de façon libre sous la couche de substrat ;
- avec un limiteur contrôlant le débit évacué sous la couche de substrat .
Selon le cas le volume maximum que l'on pourra stocker sera différent.
Principes de dimensionnement
Du fait de leur mode de restitution, le dimensionnement des ouvrages de ce type pose des problèmes spécifiques. Le temps caractéristique nécessaire pour la restitution par évapotranspiration (quelques jours ou quelques semaines) est en effet beaucoup plus long que celui du remplissage (typiquement quelques heures). De plus, la vitesse avec laquelle l'eau va s'évacuer n'est pas constante mais dépend des conditions climatiques (principalement ETP) et du développement de la végétation. Par ailleurs, le volume que l'on peut stocker dans le substrat (ou dans la réserve) dépend du volume d'eau présent au début de l'événement pluvieux.
Le volume que l'on peut stocker pour un événement pluvieux particulier donné dépend donc des conditions climatiques (pluviométrie et ETP) qui ont prévalu dans les jours et les semaines précédentes. Il est extrêmement difficile, voire impossible, de lui associer a priori une probabilité d’occurrence car les différents événements qui le déterminent sont caractérisés par plusieurs variables aléatoires qui, sans être fortement liées ne sont cependant pas totalement indépendantes.
L'approche à utiliser est donc obligatoirement de nature statistique et dépend des objectifs de protection choisis (voir Méthodes de dimensionnement des ouvrages de stockage (HU)).
- S'il s'agit d'évaluer le volume annuel intercepté, des méthodes relativement robustes peuvent être trouvées (voir ci-dessous) ;
- En revanche s'il s'agit de dimensionner l'ouvrage pour faire face à un événement de fréquence rare :
- un calcul simple est impossible dans le cas des ouvrages drainés et il est préférable de prévoir un mode de gestion complémentaire, le volume potentiellement disponible dans le substrat apportant alors une sécurité supplémentaire ;
- un calcul simple sécuritaire est cependant possible dans le cas des ouvrages régulés.
Évaluation du volume maximum susceptible d'être stocké dans le substrat
D'une façon générale la quantité d'eau que l'on peut stocker dans un substrat totalement sec est égale au volume du substrat multiplié par sa porosité utile (part du volume de substrat dans lequel l'eau pourra se stocker).
Dans les situations usuelles, une partie des vides potentiellement utilisables est déjà occupée par de l'eau et n'est dons plus mobilisable. Par ailleurs, selon les conditions de la vidange, l'eau parviendra ou non à remplir la totalité de ces vides, ou au contraire se drainera rapidement vers le fond du substrat. La capacité maximum de stockage dépend donc de la porosité utile maximum du substrat qui dépend elle même de trois paramètres :
- La teneur en eau maximum (exprimée en m3/m3) : $ P_{max} $ qui dépend de la nature des matériaux constituant le substrat et qui correspond à un substrat totalement saturé en eau.
- La teneur en eau minimum pour l’évapotranspiration : $ P_1 $, qui correspond au point de flétrissement pour la végétation (lorsque la teneur en eau du sol devient inférieure à $ P_1 $ les plantes n’arrivent plus à extraire l’eau du sol).
- La teneur en eau minimum pour l’infiltration : $ P_2 $, qui correspond à la teneur en eau à partir de laquelle le drainage dû aux forces de pesanteur devient négligeable ; $ P_2 $ peut être assimilée à la capacité au champ (capacité maximum de rétention d’eau du sol).
Il existe donc deux possibilités pour définir la porosité utile maximum (on parle aussi de capacité maximale en eau) selon la façon dont l’ouvrage est conçu.
- Soit l'ouvrage est drainé et l'écoulement est libre sous la couche de substrat (voir figure 5). Dans ce cas il faut utiliser la quantité $ (P_2 – P_1) $ qui correspond à la réserve utile du sol utilisée par les agronomes. En effet si la teneur en eau devient supérieure à $ P_2 $, l’eau va s’infiltrer jusqu'au fond de la couche de substrat et s'évacuer rapidement par gravité vers un exutoire extérieur.
- Soit l'écoulement est contrôlé par un dispositif spécifique qui limite le débit évacué sous la couche de substrat à une valeur maximum (voir figure 3) et, dans ce cas, le sol pourra se saturer totalement ; l’écoulement ne dépassera le débit régulé que lorsque le niveau de l’eau atteindra la surface ou un trop plein. Dans ce cas il faut utiliser la quantité ($ P_{max} – P_1 $) et tenir compte du débit évacué (à débit contrôlé) pendant la durée de la pluie.
Nota : Il existe une méthode normalisée pour mesurer la capacité maximum de stockage d'une toiture végétalisée non régulée : voir Capacité Maximale en Eau /CME (HU).
Évaluation du volume réel susceptible d'être stocké dans le substrat pour un événement pluvieux donné
Dans le calcul précédent cas on considère que la teneur en eau dans le substrat est égale à $ P_1 $ au début de la pluie, c'est à dire que le temps écoulé depuis la dernière pluie a été suffisant pour permettre à la végétation de consommer et d'évapotranspirer la totalité de la réserve utile en eau.
Si l'on fait l'hypothèse inverse qu'une pluie a eu lieu récemment et que la réserve utile du sol est saturée, alors la porosité utile (c'est à dire la capacité de stockage) d'un substrat drainé est nulle et celle du substrat d'un ouvrage équipé d'un régulateur de débit est égale à $ (P_{max}– P_2) $.
Selon les pluies, la teneur en eau initiale sera donc variable et comprise entre $ P_1 $ et $ P_2 $.
Les valeurs de $ P_{max} $, $ P_1 $ et $ P_2 $ dépendent du type de substrat. Le tableau de la figure 4 fournit quelques valeurs indicatives en fonction du type de sol :
A partir de ces valeurs, il est possible d'estimer la porosité utile maximum et minimum pour des substrats régulés ou non régulés.
Évaluation du volume moyen disponible pour le stockage
De façon pratique, la teneur en eau initiale, et donc la capacité de stockage, sera différente pour chaque pluie. Par ailleurs, selon la hauteur d'eau précipitée, seule une partie de cette capacité sera sollicitée et viendra diminuer la capacité de stockage disponible pour la pluie suivante.
Approche par simulation continue
La seule méthode réellement utilisable pour évaluer correctement le fonctionnement d'un ouvrage dépendant d'autant de paramètres climatiques consiste à simuler une longue série chronologique de pluies et d'évapotranspiration. Pour que les résultats soient significatifs il est nécessaire que la durée de la période simulée soit au minimum deux à trois fois supérieure à celle de la durée ou de la période de retour d'intérêt. Par exemple si l'on souhaite évaluer le volume moyen annuel intercepté, une durée minimum de 2 à 3 ans est nécessaire. Si l'on souhaite dimensionner l'ouvrage pour un événement de période de retour 30 ans, la durée de la simulation devra être au moins de 60 ans ! Par ailleurs, du fait du dérèglement climatique, il est nécessaire que la chronique utilisée soit représentative des conditions climatiques qui régneront pendant la vie de l'ouvrage, c'est à dire dans les 60 années à venir. Il est donc théoriquement nécessaire d'utiliser des séries virtuelles correspondant aux différents scénarii du GIEC (Pons et Bertrand-Krajewski, 2021). On comprend donc facilement que de telles études ne peuvent être justifiées que pour des projets à forts enjeux permettant de mobiliser des ressources importantes.
Des simulations simplifiées, utilisant des valeurs journalières de précipitation et d'évapotranspiration au pas de temps journalier, faites sur des durées de 2 à 3 ans peuvent cependant être facilement réalisées par exemple pour évaluer le volume annuel moyen intercepté (figure 5).
Les données d'évapotranspiration potentielle (ETP) sont disponibles localement sur le site de Météo-France sur des pas de temps journaliers ou horaires. Il est également possible d'utiliser des modèles simplifiés permettant de calculer les valeurs d'ETP journalières en fonction de la latitude.
Les modèles d'évapotranspiration les plus connus, comme celui de Penman et Monteith (voir https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89vapotranspiration) ont surtout été développés pour des applications en agronomie (évaluation de la disponibilité en eau des sols pour les plantes). Ils ne sont pas tous bien adaptés en hydrologie où l'on s'intéresse plutôt à l'inverse, c'est à dire à la capacité des sols à absorber l'eau de pluie. L'INRAE a ainsi évalué un grand nombre de formulations d’évapotranspiration potentielle (ETP) pour des applications de modélisation pluie-débit et a finalement proposé une nouvelle formule d’ETP permettant d’obtenir "de meilleurs résultats que l’ensemble des formulations testées, en termes de restitution des débits.". Voir https://webgr.inrae.fr/modeles/modele-devapotranspiration/.
La figure 6, extraite de Vannier et Braud (2007), illustre la variabilité interjournalière de l'ETP ainsi que la capacité de modèles à la reproduire correctement.
Approches simplifiées - cas du dimensionnement pour une période de retour donnée
Ce type de dimensionnement est à réaliser lorsque la réglementation impose de contrôler le débit produit par une pluie de période de retour donnée (généralement comprise entre 10 et 30 ans). Comme il est extrêmement difficile d'évaluer la valeur probable de la teneur en eau dans l'ouvrage au moment où se produira l'événement contre lequel on souhaite se protéger, aucune approche simplifiée n'est réellement satisfaisante dans ce cas. La démarche la plus simple consiste donc à se placer dans les conditions les plus défavorables et de considérer que la teneur en eau initiale est égale à $ P_2 $. Dans ce cas :
- un ouvrage drainé n'offre aucune possibilité de stockage et il est préférable de prévoir un mode de gestion complémentaire, le volume potentiellement disponible dans le substrat apportant alors une sécurité supplémentaire ;
- un ouvrage contrôlé permet de façon sécuritaire le stockage d'un volume d'eau correspondant à une porosité utile égale à $ (P_{max}– P_2) $.
Approches simplifiées - cas du dimensionnement pour intercepter une hauteur d'eau donnée
Certaines réglementations sont cependant moins contraignantes et demandent d'intercepter le volume d'eau produit par les p premiers mm de chaque pluie ou, ce qui revient statistiquement sensiblement au même, d'intercepter une fraction donnée du volume annuel produit (Chocat et al., 2022).
Comme les enjeux sont moins forts, des approches simplifiées sont alors envisageables. Par exemple, il est possible de mettre en œuvre des simulations continus pour construire des abaques (du même type que ceux pour la méthode des volumes) utilisant des grandeurs adimensionnelles (volumes et débits spécifiques).
Par exemple, le tableau de la figure 6 qui a été établi pour les toitures végétalisées dans le cas de la région parisienne peut être utilisé sur cette zone géographique pour déterminer l'épaisseur de substrat statistiquement nécessaire pour intercepter toutes les pluies inférieures à une hauteur d'eau donnée.
De façon équivalente, cette approche peut permettre de déterminer la valeur initiale moyenne de teneur en eau à prendre en compte au début de la pluie, ou le volume moyen présent dans la réserve.
Ces approches simplifiées n'ont bien sur qu'une valeur statistique et ne permettent pas de savoir quel sera le volume effectivement intercepté pour une pluie donnée. Elles peuvent se traduire par des règles très simples portant par exemple sur la fraction du volume total que l'on peut, en moyenne, considérer comme disponible au début de chaque pluie.
Bibliographie :
- Chocat, B., Afrit, B., Maytraud, T., Savary, P., Tedoldi, D. (2022) : Comment mettre en place des règles hydrologiques efficaces pour la gestion durable des eaux pluviales urbaines ; TSM N°10 ; pp 39-62 ; disponible sur https://astee-tsm.fr/numeros/tsm10-2022/chocat/.
- Pons, V., Bertrand-Krajewski, J.L. (2021) : Des séries de pluies synthétiques pour évaluer les futures performances hydrologiques de toitures végétalisées sous scénario de changement climatique RCP8.5; 9° Journées Doctorales en Hydrologie Urbaine ”JDHU 2020”, ENGEES, May 2021, Strasbourg, France ; 4 p. ; disponible sur :https://hal.science
- Vannier, O., Braud, I. (2012) : Calcul d’une évapotranspiration de référence spatialisée pour la modélisation hydrologique à partir des données de la réanalyse SAFRAN de Météo-France ; rapport de recherche irstea ; 22p. ; disponible sur hal.inrae.fr