Prévision des crues : les données nécessaires (HU)
Traduction en anglais : Flood forecasting : necessary data
Dernière mise à jour : 15/09/2024
Cet article traite des données nécessaires à la prévision des crues mises en œuvre dans la démarche Vigicrues.
Il a bénéficié de la relecture et des contributions de Nicolas Cavard (SPC Loire-Allier-Cher-Indre).
Cet article fait partie d'une série de sept articles qui traitent des différents aspects de la prévision des crues par les services de l’État. En plus de celui-ci, cette série comprend :
- un article général : Prévision des crues et des inondations : vue globale (HU) ;
- 5 autres articles détaillant différents aspects (dont certains encore en cours d'écriture) :
- Prévision des crues : les modèles utilisés ;
- Prévision des crues : erreurs, incertitudes et évaluation des performances ;
- Prévision des crues : son historique en France ;
- Prévision des crues : les outils opérationnels utilisés en France ;
- Prévision des crues : développements récents ou en cours en France.
L'essentiel
Le chapitre 1 présente les trois types de données nécessaires à la prévision des crues et des inondations :
- les données d’observation :
- acquises antérieurement et utilisées pour des statistiques ou le calage des modèles,
- acquises en temps quasi réel lors du déroulé des évènements (pluies et crues consécutives), pour l’analyse des évolutions en cours, l’alimentation des modèles et l’ajustement de leurs résultats ;
- les variables d’état, qui permettent de décrire dans les modèles hydrologiques ou hydrauliques les principales caractéristiques, respectivement, des bassins versants élémentaires ou des cours d’eau du réseau hydrographique principal, acquises pour la construction des modèles et, dans certains cas, complétées pour l’initialisation des modélisations en temps réel,
- les paramètres des modèles, qui sont plus éloignés d’une réalité mesurable ou évaluable, et qu’il faut ajuster puis valider sur des jeux de données historiques, lors du calage des modèles.
Sont ensuite abordées de façon plus approfondie :
- dans le chapitre 2, les données météorologiques, essentiellement pluviométriques, provenant de mesures ponctuelles au sol ou d’images radar-météorologiques ajustées sur ces mesures au sol, et elles relèvent en quasi-totalité des données d’entrée et de contrôle des modèles, ainsi que leur prévision avec des modèles météorologiques ;
- dans le chapitre 3, les données hydrométriques, concernant les niveaux d’eau et les débits dans les cours d’eau ;
- dans le chapitre 4, les variables d’état et les paramètres (par exemple des niveaux initiaux de réservoirs) décrivant les bassins versants modélisés, nécessaires aux modèles hydrologiques de prévision, acquises le plus souvent en préalable :
- lors de l’élaboration et du calage, ou de la réactualisation, des modèles pour la prévision ou de ceux dont ils sont issus (créés dans le cadre d’autres démarches de réduction des risques d’inondation),
- et à l’initialisation d’une phase de prévision (par exemple pour l’humidité des sols) ;
- dans le chapitre 5, les variables d’état et les paramètres (par exemple les coefficients de rugosité) caractérisant les cours d’eau modélisés, ces données doivent être disponibles pour les divers tronçons de calcul aussi bien dans le réseau hydrographique principal que pour décrire la topographie des zones inondables ; elles sont acquises elles aussi en préalable ou à l’initialisation de la prévision (par exemple, pour établir le débit de base).
Les trois types de données nécessaires à la prévision des crues et des inondations
Les données d’observation
Ces données constituent des ressources importantes indépendamment ou en préalable de la modélisation hydrologique ou hydraulique, en général ou pour la modélisation, pour :
- constituer des séries historiques validées, qui sont des bases de travail indispensables pour les personnes chargées des statistiques ou du calage des modèles ;
- aux prévisionnistes, une première vision des évènements en préparation ou en cours et des évolutions à attendre pour la suite de l’évènement.
Elles sont aussi utilisées en temps réel dans les processus de prévision des crues :
- comme données d’entrée :
- des modèles hydrologiques : c’est le cas des données pluviométriques (lames d’eau précipitée ou prévue sur le bassin versant),
- des modèles hydrauliques, en complément des résultats des modèles hydrologiques, ce sont les données hydrométriques (niveaux d’eau et débits, directement mesurés ou déduits des niveaux d’eau) mesurées aux stations situées en amont des tronçons de cours d’eau modélisés :
- comme données de contrôle des résultats :
- des modèles hydrologiques : il s’agit des données hydrométriques mesurées sur les stations situées à l’exutoire des bassins versants élémentaires, qui sont comparées aux résultats de ces modèles pour caler leurs paramètres, ou pour évaluer en cours d’évènement les performances des prévisions antérieures, et dans certains cas les assimiler aux résultats au modèle (Voir : Prévision des crues : les modèles utilisés) ;
- des modèles hydrauliques : ce sont les mesures hydrométriques acquises sur les stations installées en aval des tronçons de cours d’eau modélisés, utilisées aussi pour évaluer les performances des prévisions antérieures et dans certains cas leur assimilation.
Les variables d’état des modèles
Ce sont des données mesurables ou évaluables, qui permettent de décrire les principales caractéristiques des bassins versants élémentaires et des cours d’eau du réseau hydrographique principal modélisé.
Elles sont acquises en préalable au processus de modélisation, pour la construction des modèles, ou juste avant le processus de prévision, par exemple :
- pour les modèles hydrologiques, les données décrivant l’humidité initiale des bassins versants au démarrage de l’évènement pluvieux ;
- pour les modèles hydrauliques, les données rendant compte des conditions avant le début de la crue ou pendant celle-ci : débit de base ou modifications survenues dans la géométrie des chenaux d’écoulement (embâcles, rupture de digue, etc.) ;
Les paramètres des modèles
Ces données représentent aussi les caractéristiques des bassins versants ou des tronçons de cours d’eau modélisés, mais elles sont plus éloignées d’une réalité mesurable ou évaluable.
Il faut caler leur valeur puis la valider (Voir : Prévision des crues : les modèles utilisés) en utilisant des jeux de données d’observation historiques qui ont eux-mêmes été préalablement vérifiés puis validés. Ces paramètres concernent :
- pour les modèles hydrologiques : des données à la fois pluviométriques et hydrométriques ;
- pour les modèles hydrauliques : des données seulement hydrométriques.
Les données météorologiques nécessaires, essentiellement pluviométriques, ainsi que les prévisions des pluies avec des modèles météorologiques
Les données nécessaires pour un système de prévision des crues sont de trois types :
- des séries historiques (données continues issues du passé à un pas de temps adapté au modèle visé et à la simulation du phénomène à prévoir) validées, pour l’ajustement des modèles hydrologiques ;
- des données obtenues en temps réel par les réseaux d’observation météo et hydrométrique, comme par exemple l’évolution dans le temps et dans l’espace de l’intensité de la pluie déjà précipitée ;
- les prévisions de précipitations à venir.
Les données et les prévisions de précipitations sont nécessaires pour augmenter les délais de prévision des débits et niveaux d’eau dans les zones vulnérables aux inondations, par rapport à la seule utilisation des données hydrométriques observées et évaluées plus en amont ; les prévisions de pluie permettent, au prix d’une plus grande incertitude, d’allonger encore ces délais, ce qui est précieux pour gagner en anticipation et prendre les mesures de sauvegarde des personnes et des biens, surtout lorsqu’il s’agit de crues rapides.
Les précipitations ont des caractéristiques différentes suivant qu’elles sont plutôt :
- stratiformes (résultant de la formations de nuages de types "stratus"), dues au soulèvement lent et à grande échelle d’une masse d’air humide qui se condense assez uniformément ; elles génèrent des intensités relativement faibles (moins de 10 mm/h), souvent continues, relativement homogènes spatialement, et pouvant durer longtemps ;
- convectives (résultant de la formation de types "cumulus"), dues à l’élévation rapide de masses d’air humides chargées d’humidité ; elles génèrent des intensités fortes à très fortes, sont hétérogènes spatialement et parfois très localisées, d’une durée de quelques dizaines de minutes à quelques heures, pouvant s’accompagner d’orages, de grêle ou de tornades.
Les précipitations peuvent être composites et combiner ces deux formes-types (voir la fiche A.01 - Incertitude ou erreur).
La distribution temporelle des précipitations est une variable majeure, leur distribution spatiale est une information presque aussi importante, surtout lorsque la pluie est inégalement répartie, et si les caractéristiques du bassin versant modélisé le sont aussi (les deux types de répartition étant liés, voir Répartition spatio-temporelle des précipitations (HU)).
Un autre paramètre météorologique, essentiel, principalement en zone de montagne (mais pas seulement), est le suivi de la température à 2 m au-dessus de la surface du sol. Il permet de distinguer les précipitations neigeuses ou pluvieuses. Les modèles hydrologiques sont désormais souvent capables de modéliser le stockage, puis la fonte de la neige (Voir : Prévision des crues : les modèles utilisés et GRP).
Dans cet article, nous ne traiterons assez précisément que des données pluviométriques.
Les mesures ponctuelles de la pluie au sol
La pluviométrie est traditionnellement mesurée par des pluviomètres avec enregistrement et télétransmission des données saisies à pas de temps fin (toutes les 5 minutes, par exemple).
Les appareils le plus utilisés par les principaux utilisateurs pour la prévision (Météo-France, les prévisionnistes des crues, EDF, etc.) sont des appareils à augets basculeurs collectant la pluie tombée dans un cône d’axe vertical dont la base est ouverte vers le haut. On peut aussi utiliser des appareils à pesée, ou par mesure optique, ou par mesure du bruit des gouttes d’eau sur une plaque, etc.
Dans la suite, seuls les appareils à augets basculeurs seront évoqués. La finesse de la mesure sera donnée par le rapport entre la surface de la base de réception de la pluie et le volume recueilli pour lequel l’auget bascule (en général 0,1 à 0,2 mm de hauteur de précipitation). Certains de ces appareils peuvent être équipés d’un chauffage et couplés avec un thermomètre pour mesurer l’équivalent en eau des précipitations neigeuses.
Les erreurs de mesures dues à l’appareillage lui-même restent négligeables, sauf du fait des pertes d’eau quand l’auget bascule en cas de très fortes intensités (pertes estimées à plus de 10% pour une intensité de 200 mm/h).
Ces erreurs sont cependant très sensibles à l’implantation de l’appareil et en particulier à la présence d'obstacles à proximité, surtout en cas de vent, qui génère une sous-captation :
- de l'ordre de 10 % en cas de vent faible sur un emplacement sans obstacle notable (sites de classes 1 et 2) ;
- mais pouvant atteindre 60 % en présence d’obstacles importants (classe 4) pour des vents forts.
Cela nécessite une analyse de la situation d’implantation et une classification environnementale qui permet de juger de la qualité du site et des incertitudes liées à sa configuration (Voir la Note technique 35B de la DSO de Météo France qui prend en compte la classification adoptée par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM) ainsi que la norme iso 19289:2015.
Les dispositifs d’enregistrement (mécaniques au départ et jusqu’aux années 1980) sont maintenant électroniques, de même que pour les télétransmissions par téléphone ou radio.
Pour en savoir plus : Fiche B.02 – Pluie : observations des précipitations ponctuelles au sol.
L’évaluation de la lame d’eau précipitée sur un bassin versant (ou ses subdivisions lorsque le modèle est distribué)
Pour passer de ces mesures de référence à la lame d’eau précipitée sur un bassin versant (voir Répartition spatio-temporelle des précipitations (HU)), on peut utiliser :
- des méthodes d’interpolation (moyennes pondérées, polygones de Thiessen, krigeages (Voir la Fiche B.03 – Pluie : observation de précipitations ponctuelles au sol) ; ces méthodes peuvent être prises en défaut, notamment lorsque la pluie est à teneur convective ;
- des images radar-météorologiques calibrées (Voir la Fiche B.04 – Estimation d’une pluie de bassin par observation RADAR).
Les images radar-météorologiques constituent une source particulièrement utile pour reproduire la répartition spatiale des précipitations. Encore faut-il pouvoir la quantifier ; c’est l’objet d’efforts importants et constants menés depuis le début des années 1980.
Le principe des images de réflectivité est de traduire la mesure de la puissance rétrodiffusée par les gouttes d’eau précipitée, moyennée sur une durée de 5 mn (pour la lame d’eau PANTHERE) ou 1h (pour la lame d’eau ANTILOPE), avec une résolution horizontale de 1 km x 1 km, avec une assez bonne fiabilité d’évaluation des précipitations dans un rayon de l’ordre de 50 km (pour des radars à bande X) à 100 km (pour des radars à bande C ou S) autour du radar émetteur-récepteur, suivant une altitude de la pluie mesurée augmentant avec l’éloignement du pixel atteint par le faisceau émis (du fait de l’inclinaison de quelques degrés du faisceau radar par rapport à l’horizontale et de la rotondité de la Terre).
Le passage des images brutes de réflectivité radar à l’estimation de la répartition spatiale de l’intensité de pluie doit surmonter divers types de sources d’erreurs liées à :
- la réflectivité elle-même (échos de sols et masques, bande brillante autour de l’isotherme 0° C, etc.) ;
- l’atténuation par la pluie traversée par le faisceau radar, lorsqu’elle est intense ;
- les effets liées à la relation entre la réflectivité électromagnétique à une certaine altitude et l’intensité de la pluie au sol, incluant des modifications des gouttes, de leur densité et de leur positionnement géographique, dans leur trajet depuis la zone de détection jusqu’au sol ;
- etc.
La correction, ou plutôt l’atténuation, de ces erreurs passe par :
- des améliorations au niveau du matériel et des traitements de leurs images brutes, qui limitent un certain nombre d’artéfacts, mais ne suffisent pas toujours et ont parfois des effets pervers qu’il faut limiter ;
- des post-traitements de ces images intégrant les mesures au sol permettent de compléter par des ajustements combinant les images de réflectivité améliorées avec les données ponctuelles au sol :
- l’outil CALAMAR, développé par la société RHEA, à la suite d’un programme de recherche mené au CERGRENE (ENPC-ENGREF), a eu un rôle historique important en France pour prouver la faisabilité de l’utilisation de ces images, au profit de l’hydrologie urbaine puis plus générale ;
- les développements propres de Météo-France, notamment les outils PANTHERE et ANTILOPE, avec une représentation des données par objet météorologiques géo-référencés plutôt que par zones géographiques (figure 1) ;
- l’outil LAMEDO développé par le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI), de diffusion et de gestion des données observées en temps quasi-réel ou d’archivage, sur une base géomatique robuste.
Ainsi, dans le cadre du programme ARAMIS de Météo-France, soutenu par le ministère chargé de l’environnement depuis le début des années 2000, différentes améliorations ont été apportées :
- au niveau des radars eux-mêmes et du traitement de leurs images brutes ;
- au niveau des post-traitements en intégrant ces images de réflectivité améliorées avec les mesures au sol ;
- au niveau de la densité du réseau des radars hydrométéorologiques pour couvrir le territoire national : en 2024, 31 radars de Météo-France et 3 de pays limitrophes (Royaume-Uni, Suisse et Italie) permettent de bien couvrir le territoire métropolitain (Voir Figure 2), auxquels il faut ajouter 7 radars outre-mer (figure 3).


Ce dispositif permet de disposer d’une certaine continuité, avec une fiabilité améliorée, de l’image de la pluie, ce qui marque un progrès majeur pour la prévision des crues (sauf, dans certaines zones non encore couvertes) et pour celle des crues rapides ou soudaines (et a fortiori les crues sur des secteurs urbanisés plus réactifs encore). Ces images et leur mise à disposition présentent deux avantages supplémentaires : elles permettent de visualiser la dynamique spatio-temporelle des pluies, et facilite ainsi la prévision à court terme ; elles facilitent la communication avec les responsables de l’alerte et des secours, ainsi qu’avec la population via les médias.
Il n’en demeure pas moins que l’incertitude sur les lames d’eau estimées de précipitations sur les bassins versants reste notable pour certains radars, notamment en zones de montagne, en particulier en cas de fortes intensités. Les auteurs de la Fiche B.04 – Estimation d’une pluie de bassin par observation RADAR, publiée au début de 2015, estiment, en se fondant sur l’expérimentation Bassins Versants Numériques Expérimentaux (BVNE) initiée par le SCHAPI, et sur des réanalyses de séries d’évènements par les Services de prévision des crues Seine-Marne-Yonne-Loing et Loire-Cher-Indre, qu’après des progrès sensibles à partir de 2009, cette incertitude est fréquemment de 10% à 20 % (ce qui peut conduire à des incertitudes de 30% à 40 % sur le débit maximal à l’exutoire d’un bassin versant, prévu avec un bon modèle hydrologique). Cela nécessite et justifie, pour pouvoir corriger les données ou réévaluer les résultats de prévision, de maintenir un réseau pluviométrique au sol suffisamment dense.
Par ailleurs, il apparaît possible qu’à moyenne échéance les satellites météorologiques permettent de faire la distinction entre les divers types de nébulosités (nuages de glace ou d’eau, nuages bas ou brouillard, etc.), en donnant des informations assez fiables sur la structure verticale de l’atmosphère et de sa composante en eau. Ceci permettrait d'améliorer, dans une certaine mesure, la prévision et la quantification des pluies. Mais il apparaît qu’il est prématuré d’envisager une exploitation opérationnelle des seules images satellitaires pour évaluer les lames d’eau précipitée.
De plus, dans certaines situations, il est très utile aussi, de connaître les prévisions ou les estimations en temps légèrement différé des valeurs de certaines données complémentaires qui peuvent amplifier les crues :
- la température de l’air (Voir les Fiches B.05 – La température de l’air et B.15 – Prévision de la température de l’air), bien sûr importante pour alimenter et contrôler les modèles de prévisions météorologiques, mais aussi, en hydrologie, pour :
- situer les limites pluie-neige (Voir les Fiches B.06 – Précipitations neigeuses et B.16 – Prévision de la limite pluie-neige),
- évaluer l’évapotranspiration (ETP), une partie des pertes au ruissellement,
- déterminer les zones touchées par le gel au sol (pendant la pluie ou juste avant) qui limite fortement l’infiltration et augmente les volumes et vitesses de ruissellement ;
- les épaisseurs de neige et leur équivalent en eau, ainsi que les facteurs influant sur sa fonte (vent, température, pluie) (Voir la Fiche B.05 – La température de l’air) ;
La prévision des pluies par des modèles météorologiques
Les données d’observation, directes ou issues d'un traitement, évoquées ci-dessus, doivent être complétées par les prévisions météorologiques. En France, le Service central d’hydrométéorologie et d’appui à la prévision des inondations (SCHAPI) diffuse aux Services de prévision des crues (SPC) les prévisions de précipitations (et de données de contexte) produites par Météo-France. Ces prévisions sont issues de 2 modèles de Météo-France :
- ARPEGE (Action de Recherche Petite Échelle Grande Échelle) couvre l’ensemble du globe terrestre, avec une maille fluctuante selon les zones géographiques (7.5 km en moyenne pour l'Europe), et une échéance maximale de prévision de 4 jours ; ses prévisions sont mises à jour 2 fois par jour ;
- AROME (Application of Research to Operations at MEsoscale) est de la dernière génération de modèles : il a notamment, pour la prévision en France métropolitaine, une maille de calcul très fine (1.3 km x 1.3 km), ce qui permet de mieux appréhender les phénomènes convectifs, donnant des pluies intenses et relativement localisés, grâce à l'intégration de nouvelles données d'observation ainsi que de la topographie, des zones urbaines, des cours d'eau, de la végétation, etc. ; son échéance maximale de prévision est limitée à 36 heures ; le modèle AROME est exécuté quatre fois par jour.
Pour les prévisions à court terme, concernant les pluies intenses sur les bassins versants les plus réactifs, les données produites et transmises par Météo-France proviennent également de deux autres produits (Bouttier et al., 2022) :
- PIAF (Prévision Immédiate Agrégée Fusionnée), fournit une prévision toutes les 5 minutes, par extrapolation des images radars météorologiques, utile pour les quelques dizaines de minutes à venir ;
- AROME PI (Prévision Immédiate), précise les prévisions du modèle AROME par assimilation des dernières données observées, pour des échéances un peu plus lointaines pour lesquelles il peut être plus fiable, car il repose sur une physique assez précise permettant de mieux anticiper sur les variations de trajectoire et de dynamique des cellules pluvieuses.
Le SCHAPI diffuse également, pour la moyenne échéance, les prévisions du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme (CEPMMT), dont les prévisions vont jusqu'à 10 jours en 2024, en visant 2 semaines en 2030 et sont produites deux fois par jour. Ces prévisions intègrent, progressivement, depuis 2022, des fonctions d’intelligence artificielle (Gapany, 2022), (Mainguet, 2024), qui commencent à apporter des améliorations significatives concernant les champs de température, de vents ou de pression atmosphérique. Mais pas encore pour les précipitations.
Toutes ces prévisions sont mises à disposition en utilisant des services web cartographiques. Elles sont complétées dans les SPC Loire-Allier-Cher-Indre et Alpes du Nord, par la mise en œuvre de la méthode des analogues climatiques (Horton, 2017), avec la suite logicielle AtmoSwing, étendue au niveau national (présentation accessible via le lien https://www.terranum.ch/produits/atmoswing/) et aussi par les prévisions de services météorologiques de pays riverains, pour des SPC frontaliers, ou des services spécialisés, par exemple MétéOrage, accessible par le lien https://www.meteorage.com/fr, ou Keraunos, observatoire des tornades et orages violents, accessible par le lien https://www.keraunos.org/.
Pour en savoir plus : Fiches B.13 – Prévisions numériques de précipitation et B.14 – Prévision météorologiques – Méthode des analogues hydrométéorologiques.
Les données hydrométriques (concernant les niveaux d’eau et les débits) nécessaires
Débit et hauteur d’eau dans un cours d’eau, emplacements des stations de mesure
Rappelons, pour commencer, que :
- les lames d’eau précipitées sur un bassin versant sont transformées en débit à leur exutoire ;
- la propagation des ondes de crues et leur composition aux confluences s’expriment en évolution temporelle des débits (hydrogramme) et des niveaux d’eau (limnigrammes).
La variable hydrologique et hydraulique de calcul des écoulements est le débit. La hauteur d’eau, dans un cours d’eau, beaucoup plus facilement mesurable, est directement rattachée à ce débit, mais pas de façon univoque.
L’évaluation directe du débit des écoulements à surface libre est difficile (voir Débit (HU)). Pendant longtemps elle a été effectuée en mesurant ponctuellement dans le temps, la vitesse de l’eau en surface, avec des flotteurs puis en assimilant cette vitesse à la vitesse moyenne de l'écoulement. Le débit pouvait alors être assez grossièrement approché en multipliant cette vitesse par la section mouillée au même instant, laquelle était évaluée grâce à des relevés antérieurs de la section transversale du lit de la rivière au point de mesure en fonction du niveau d’eau.
Pour améliorer la précision, et c’est encore largement d’actualité, deux approches sont possibles :
- améliorer la connaissance de la relation entre la hauteur d'eau et le débit en multipliant les opérations de jaugeage (Voir le § "L’élaboration des courbes de tarage") ;
- utiliser des dispositifs permettant la mesure continue simultanée et automatisée de la hauteur d'eau (voir Limnimètre (HU)) et de la vitesse de l’eau (voir Vélocimètre (HU)), ou encore de la mesure de la pente de la ligne d’eau (sur les tronçons sans singularité hydraulique marquée) (Voir § "La mesure directe du débit et d’autres méthodes pour le calculer".).
Un système de prévision des crues nécessite donc un réseau de stations de mesures où sont :
- relevées en continu des données limnimétriques (concernant les niveaux d’eau) et sur lesquelles ont été préalablement menées des opérations de tarage consolidant la relation "hauteur d’eau – débit" ;
- mesurées, dans certains cas et autant que possible, des données débitmétriques (concernant les débits).
Ces données sont utilisées :
- en temps quasi-réel, pour suivre l'évolution de la crue, contrôler les résultats des modèles hydrologiques et hydrauliques, procéder au cycle suivant de prévision,
- au préalable, à partir de séries historiques de données critiquées puis validées (Voir la page Hydroportail), pour élaborer les modèles à mettre en œuvre puis caler leurs paramètres.
Les choix d'implantation des stations de mesure hydrométriques sont tout d'abord effectués avec l'objectif de bien comprendre et représenter le processus de formation des ondes de crues. Pour ceci, on privilégie leur installation :
- à l’aval des bassins versants modélisés, de façon à pouvoir caler au mieux les modèles hydrologiques utilisés et ensuite prévoir au mieux les apports de ces bassins ; l'idéal est de positionner ces stations le plus près possible des confluences qui en marquent souvent la limite aval ;
- en différents points situés à l'amont et à l'aval des confluences, sur le cours d’eau principal et l’affluent (ou les affluents en cas de confluence multiple), et au plus près de celles-ci ; le rôle de ces stations est de permettre :
- de cerner au mieux la composition des apports de chacune des branches et en particulier d'évaluer les risques de concomitances des pointes de débit,
- de boucler au mieux le bilan volumique et de contrôler la cohérence des mesures ;
- au niveau de changements notables de configuration hydraulique des cours d’eau (ruptures de pente, changement de sections transversales du lit mineur ou majeur, rugosité des lits, etc.) ; l'objectif est de mieux cerner les mécanismes de propagation des crues et de mieux caler les modèles hydrauliques sur les tronçons de cours d’eau situés entre ces changements ;
- à l’amont et à l’aval de retenues d’eau, avec l'objectif de mieux maîtriser leur rôle d’amortissement des pointes de crues et de soutien ou non des débits en décrue lors de leur vidange ;
- au niveau, ou juste en amont, des zones inondables les plus vulnérables, pour y constituer des points de prévision efficaces ;
Le sites d'implantation doivent également être choisis de façon à assurer la qualité et la sécurité des mesures. Les deux contraintes principales de ce type en compte sont les suivantes :
- choisir des sections de cours d’eau aussi peu perturbées que possible sur le plan hydraulique (ou bénéficiant de contrôles hydrauliques), y compris en crue, de façon à pouvoir transformer les niveaux d’eau en débits via une courbe de tarage suffisamment fiable et stable ;
- choisir des sites assez faciles d’accès, y compris en crue, assez peu sensibles au vandalisme, bénéficiant d’une alimentation électrique et de télétransmissions aptes à résister aux conditions d’évènements météorologiques et hydrologiques exceptionnels, tout en restant économiquement soutenables.
Pour en savoir plus : Charte qualité de l’hydrométrie, Guide des bonnes pratiques (Ministère chargé de l’Environnement, 2017).
Les mesures de hauteurs d’eau (ou niveau d’eau)
Le niveau d’eau a été relevé depuis longtemps sur des échelles graduées installées aux points-clés du réseau hydrographique, régulièrement relevées, du moins lors des fortes crues (et des inondations à craindre) ou des étiages prononcés (interrompant la navigation ou limitant les prélèvements) et parfois sur des repères historiques (figure 5).
Les appareils de mesure ont beaucoup évolué, de même que :
- les dispositifs qui complètent les capteurs pour constituer les stations de mesure limnimétriques, en particulier pour enregistrer et télétransmettre les mesures vers les centres de prévision (figure 6) ;
- les méthodes et moyens de contrôle, d’archivage et de mise à disposition des données (Voir l'article Hydroportail).
Les appareils (ou capteurs) de mesure proprement dits sont très variés : codeurs à flotteurs, sondes de pression de l’eau, capteurs "bulle à bulle" (mesurant aussi cette pression), sondes à ultra-sons, immergées ou hors d’eau, repérant leur distance verticale à l’interface entre l’air et l’eau (sa surface), radars hors d’eau ayant la même fonction, etc. Pour en savoir plus, voir l'article Limnimètre (HU).

Les stations de mesure limnimétrique doivent aussi être équipées de systèmes de traitement et d’enregistrement local des données, ainsi que de télétransmission vers les centres de prévision (par téléphone, radio, satellite, etc.) à une périodicité infra-horaire ou horaire suivant la rapidité des variations hydrologiques (figure 7).

Début 2024, le réseau hydrométrique national est constitué de plus de 3 000 stations automatisées, dont plus de 2 100 bénéficient d’une collecte en temps réel. Les données reçues et celles issues de leur post-traitement sont consultables par tous sur l’HydroPortail, via le lien : https://hydro.eaufrance.fr/ (figure 8).

La finesse du réseau d’observation hydrométrique est à ajuster en fonction des enjeux d’inondation et de la nécessité de cerner les hétérogénéités du système hydrologique (Cf. § "Les données nécessaires de la page Prévision des crues et des inondations : vue globale" et la fin du § "Débit et hauteur d’eau dans un cours d’eau, emplacements des stations de mesure"), tout en restant assez homogène pour faire face à la diversité des situations hydrologiques (OMM, 2011). Les stations hydrométriques doivent présenter notamment les qualités suivantes :
- robustesse : leur implantation et chacun des composants doit pouvoir résister aux conditions d’évènements hydrologiques exceptionnels, et ceci en restant économiquement soutenable ;
- redondance maîtrisée : le dispositif doit être capable de faire face aux défaillances les plus probables ou les moins évitables, mais sans trop complexifier la gestion des données et des réseaux de transmission ;
- maintenabilité : Il faut disposer d'équipes mobiles mobilisables pour les opérations d’hydrométrie (jaugeages en crue) et de maintenance des appareillages de mesure, et de concentration/traitement local de données ou de télétransmission.
Autant que possible, le système automatique doit être supervisé et complété par des personnes relais pour l’observation des stations et de leur contexte hydrologique. En signalant, en temps réel, ou très rapidement, les évènements particuliers (embâcles et débâcles, ruptures de digue, etc.) et en donnant des indications quantifiées (niveaux et vitesse de l’eau, enjeux particuliers touchés, etc.), via des communications téléphoniques ou des réseaux sociaux (éventuellement en associant textes, photos et vidéos), elles permettront de réduire sensiblement les principales sources d’erreurs pouvant affecter les mesures de niveau d’eau (Voir la Fiche B.08 – Mesure de la hauteur d’eau).
Des perspectives s’ouvrent pour l’acquisition d’autres données hydrauliques permettant de recouper ou consolider le calcul des débits avec :
- le mesurage local et continu de la vitesse (voir l'article Vélocimètre (HU)) ;
- l’évaluation de la pente de la ligne d’eau suivant l’axe principal d’écoulement, paramètre majeur, grâce aux observations du niveau et des pentes de lignes d’eau des cours d’eau :
- par le satellite franco-américain SWOT (Surface Water and Ocean Topography) - Voir https://swot.cnes.fr/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Surface_Water_Ocean_Topography -, concernant des cours d’eau de plus de 50 m de large, ou ses successeurs, à condition que le rythme d’échantillonnage temporel (aujourd’hui un passage nominal tous les 21 jours) puisse être fortement accéléré,
- ou par des LIDAR aéroportés, par drone par exemple, beaucoup plus souples pour viser les moments les plus favorables,
- et, peut-être, le relevé, par LIDAR aéroportés aussi, du fond (et donc de la pente) du lit, ainsi que transversalement, au droit des stations de mesure lors des forts débits, alors que le transport solide est très actif.
L’élaboration des courbes de tarage
La courbe de tarage, qui permet d’établir une relation entre le niveau d’eau et le débit (et réciproquement) au droit d’une station de mesure limnimétrique, est en général établie sur la base de résultats de jaugeages (mesures directes de hauteur d'eau et de débit, ponctuellement dans le temps). Ces derniers doivent correspondre des gammes de couples "hauteur d’eau – débit", en étiage, en moyennes eaux et lors des crues, ce qui est le plus difficile mais essentiel pour la prévision des crues. Le nombre de ces jaugeages reste souvent insuffisant et inégalement réparti sur la courbe de tarage, qui ne peut donc pas être construite de façon seulement expérimentale : il faut donc procéder (Voir la Fiche B.09 - Incertitudes de la courbe de tarage) à des méthodes :
- d’interpolation, pour la partie de la courbe de tarage encadrée par les jaugeages existants, en s’assurant que ceux-ci correspondent bien à la configuration actuelle de la section d’écoulement et en minimisant les écarts entre la courbe et les résultats de jaugeages affectés des incertitudes les concernant (Voir Figure 9) ;
- d’extrapolation, pour les parties de la courbe de tarage au-delà des jaugeages réalisés (en général au-dessus du plus haut de ces jaugeage), et, selon les cas, en s’appuyant sur diverse méthodes :
- logarithmiques ;
- formules d’écoulement (par exemple Manning-Strickler, pour un écoulement considéré comme permanent (ne variant pas trop dans le temps) et uniforme (géométrie, pente de la ligne d’eau restant à peu près parallèle à celle du fond du lit, rugosité du lit régulière ;
- extrapolation en fonction du niveau d’eau des 2 grandeurs dont le produit donne le débit :
- la section mouillée découlant du relevé géométrique de la section d’écoulement
- la vitesse moyenne dans cette section, dans la continuité de la courbe "hauteur d’eau -vitesse moyenne" établie lors des jaugeages en la prolongeant suivant des valeurs repères données pour les divers types de rivières et la pente, ou calculée suivant des évaluations de la pente de la ligne d’eau, ou celle du fond du lit, et la connaissance du rayon hydraulique, découlant, comme la surface mouillée, des relevés de la section d’écoulement (figure 10).
Cette méthode est proche de celle utilisée pour la reconstitution des débits de pointe de crues en l’absence de stations de mesure (Lebouc, 2019), mise au point progressivement depuis 2004 (Voir bibliographie dans la référence citée) par Eric Gaume et ses partenaires, dans le cadre de plusieurs programmes de recherche européens ou nationaux.


La mesure directe du débit et d’autres méthodes pour le calculer
Des méthodes existent aujourd'hui pour mesurer directement la vitesse de l’eau. Ces méthodes sont détaillées dans l'article Vélocimètre (HU) et la façon de les utiliser pour évaluer le débit dans l'article Débitmétrie (HU).
Pour les stations hydrométriques installées sur les cours d'eau, le mesurage de la vitesse de surface de l’eau, par des sondes radar ou par des traitements d’images issues de capteurs vidéos est particulièrement intéressant pour les raisons suivantes :
- ces solutions sont peu coûteuses en installation et peu fragiles ou perturbables ;
- la valeur de la vitesse en surface se rapproche de celle de la vitesse moyenne dans la section d’écoulement, en particulier lorsque celle-ci est assez forte (plus de 2 m/s), ce qui diminue l’incertitude sur l’évaluation du débit pour les périodes de crue.
Il faut noter que lorsque l'on utilise des courbes de tarage hauteur-débit, il peut se produire des "dé-tarages" (Voir la Fiche B.10 – Détarage en cours d’évènement : incertitudes induites selon le type de cours d’eau), par suite :
- de curages de cours d’eau, pas toujours signalés ;
- des transits sédimentaires importants par charriage, pour ces vitesses assez fortes à très fortes, se manifestant par un creusement du lit pendant la crue, parfois difficilement détectable (sauf par une mesure Doppler par ADCP en cours de crue) même après la crue car il y a souvent re-comblement pendant la phase de décrue.
Les données sur les bassins versants modélisés, nécessaires aux modèles hydrologiques de prévision, et acquises en préalable de l’élaboration des modèles de prévision ou de ceux dont ils sont issus
Les modèles hydrologiques de transformation pluie-débit ont besoin d'une description des bassins versants situés à l'amont du point où l'on veut prévoir la crue. Les données nécessaires dépendent de la sobriété ou de la parcimonie (exigence d’un nombre réduit de données d’état ou de paramètres) du modèle hydrologique utilisé ou de la précision descriptive qui lui est nécessaire. Les données d’état de base sont généralement les suivantes :
- Données topographiques : géométrie du bassin, notamment surface, relief et pente moyennée des bassins versants. Ces données peuvent être déterminées après délimitation du contour du bassin versant, à partir de modèles numériques de terrain (ou d’élévation). De tels modèles peuvent être obtenus auprès d’organismes nationaux (en France, l’Institut géographique national / IGN) ou internationaux, à diverses définitions d’échelles horizontales et verticales.
- Caractéristiques du sol et du sous-sol : en particulier données relatives à sa capacité d’infiltration ainsi, éventuellement, qu’aux écoulements dans le sol et le sous-sol. Ces données peuvent être évaluées à partir de cartes pédologiques (élaborées par l’Institut national de la recherche agronomique et environnementale - INRAE - sur une bonne partie du territoire national, mais diffusées par des circuits différents suivant les régions) et de cartes géologiques (diffusées par le BRGM).
- Données liées au climat et à la couverture végétale : en particulier évapotranspiration potentielle (ETP).
- Données dépendant à la fois du bassin versant et de la météorologie des jours ou semaines précédentes : en particulier taux d’humidité (ou saturation) du sol, qui sont évaluables à partir des antécédents pluviométriques, ou de modélisations (par exemple avec le module ISBA -(Interactions sol-biosphère-atmosphère) de la chaîne SAFRAN-ISBA-MODCOU - SIM - (Soubeyroux et al., 2008) mise en œuvre par Météo-France) ou directement par observation satellitaire.
S’y ajoutent des paramètres spécifiques aux modèles, notamment ceux à base physique (évaluation des coefficients de frottement en surface des bassins versants, par exemple), mais aussi plus conceptuels, comme ceux des modèles à réservoir, comme dans GRP les niveaux initiaux des réservoirs.
Les données sur les caractéristiques des cours d’eau du réseau hydrographique principal modélisé et de la topographie des zones inondables, acquises aussi en préalable à l’utilisation en temps réel
Il est également nécessaire de disposer d'une description du réseau hydrographique principal de façon à pouvoir modéliser la propagation des ondes de crue. Cette description doit être plus précise dans les zones à enjeux si l'on veut être capable de définir les zones qui risquent d'être inondées. De façon pratique, après une décomposition du cours d’eau en tronçons de calcul ayant des caractéristiques homogènes :
- les variables d’état nécessaires à acquérir sont les suivantes :
- concernant la géométrie du lit mineur et des chenaux d’écoulement en zone inondable, la longueur du tronçon de calcul, la géométrie des sections transversales des lits (mineur, moyen et majeur) du cours d’eau , la pente moyenne du fond du lit ;
- concernant la géométrie de la partie des zones inondables à faibles écoulements, deux options sont possibles :
- la plus simple consiste à prolonger les profils en travers aux extrémités des tronçons de calcul, décrivant les sections du lit jusqu’au pied des coteaux ou plateaux délimitant la plaine, de façon à décrire également les lits moyen et majeur qui constituent la zone inondable. Ceci impose souvent de diminuer la longueur des tronçons de façon à rapprocher les profils en travers,
- la plus courante désormais, dès lors que les enjeux d’inondation sont importants, consiste à établir un modèle numérique de terrain. Ceci peut se faire à partir de relevés topographiques classiques ou par imagerie aérienne (LIDAR). L’objectif est d’atteindre une précision altimétrique de l’ordre de 10 à 20 cm, de façon à bien cerner les reliefs dans une large majorité de cas. Il est à noter qu’en complément, l’observation photographique des niveaux de la surface de l’eau des zones inondées aussi près que possible du moment de l’inondation maximale (Raclot, 2003) apporte une information complémentaire essentielle. Il faut noter que pour beaucoup de zones inondables françaises des relevés LIDAR du terrain ont été faits sous maîtrise d’œuvre de l’Institut géographique national (IGN) pour le compte du ministère chargé de l’environnement, à partir du début des années 2010 Ces relevés visaient aussi à renforcer la connaissance des risques, dans le cadre de l’application de la Directive sur l’évaluation et la gestion des risques d’inondation, et aussi à objectiver la réalité altimétrique des terrains en zone inondable, sujet à querelles récurrentes pour la cartographie des Plans de prévention des risques d’inondation ;
- un recensement et une description géométrique et hydraulique des singularités hydrauliques (seuils, barrages, biefs secondaires, etc.), susceptibles de modifier assez significativement l'écoulement ;
- les paramètres qui caractérisent la rugosité des lits mineur, moyen et majeur, et intègrent aussi les diverses singularités évoquées ci-dessus qui peuvent perturber l’écoulement ; ces coefficients " de rugosité" des diverses catégories de lits, s’apparentent à des variables d’état, dans la mesure où elles rendent compte pour l’essentiel d’une grandeur évaluable, la rugosité, qui peut être mise en relation avec la dimension des aspérités, mais ce sont les principales variables du calage des modèles hydrauliques permettant de rendre compte d’une réalité plus complexe.
Bibliographie :
- Bechon, P.-M., Le Coz, J., Leleu, I., Renard, B. (2013) : Des outils du réseau Etat en hydrométrie et leur ouverture aux notions d'incertitude ; numéro thématique des 35èmes journées de l’hydraulique de la Société Hydrotechnique de France. Hydrométrie 2013. Paris, 15-16 mai 2013 ; p. 1-7 ; disponible sur https://www.persee.fr/doc/jhydr_0000-0001_2013_act_35_1_1311
- Bouttier, F., Marchal, H. Fleury, A., Lovat, A., Walcarius, K., War, A. (2022) : Restitution du programme de recherche PICS, 18 mai 2022 à Aix-en-Provence ; 18/05/2022 ; disponible sur https://www.cerema.fr/system/files/documents/2022/05/20220518_11h00_bouttier-restitutionpics.pdf
- Horton, P. (2017) : Améliorations et optimisation globale de la méthode des analogues pour la prévision statistique des précipitations : développement d’un outil de prévision et application opérationnelle au bassin du Rhône à l’amont du Léman ; thèse en Hydrologie à l’Université de Lausanne / Faculté des géosciences et de l’Environnement / Centre de recherche en environnement terrestre ; 298 p. + Annexes ; 2017 ; disponible sur https://theses.hal.science/tel-01441762v1/document
- Lebouc, L., Payrastre, O., Bourgin, F. (2019) : Reconstitution des débits de pointe des crues du 15 octobre 2018 dans le bassin de l’Aude, Convention DGPR – Ifsttar2018 – Action 7 appui au SCHAPI, Rapport de recherche, 14 p. ; disponible sur https://hal.science/hal-02110612
- Gapany, P. (2022) : La modélisation numérique globale au cœur des prévisions du CEPMMT ; MéteoSuisse-blog ; traduction de l'article du blog du CEPMMT dont voici l'adresse originelle : https://www.ecmwf.int/en/about/media-centre/focus/2022/global-numerical-modelling-heart-ecmwfs-forecasts, disponible sur https://www.meteosuisse.admin.ch/portrait/meteosuisse-blog/fr/2022/9/la-modelisation-num-rique-globale-au-cour-des-pr-visions-du-cepmmt.html
- Ministère chargé de l’Environnement (2017) : Charte qualité de l’hydrométrie, Guide de bonnes pratiques, janvier 2017, 82 p. ; disponible sur https://www.eaufrance.fr/sites/default/files/documents/pdf/Schapi_Charte_hydro_P01-84_BasseDefinition_5Mo_.pdf
- Soubeyroux, J.-M., Martin, E., Franchisteguy, L., Habets, F., Noilhan, J., Baillon, M., Regimbeau, F., Vidal, J.-P., Le Moigne, P., Morel, S. (2008) : Safran-Isba-Modcou (SIM) : Un outil pour le suivi hydrométéorologique opérationnel et les études ; La météorologie n° 63, nov. 2008, p. 40-45 ; disponible sur https://meteofrance.hal.science/meteo-00350048v1/document
- Sébastien Mainguet (2024) : Météo : avec l’intelligence artificielle (IA), une nouvelle ère ? ; Voiles et voiliers 10/03/2024 ; disponible sur https://voilesetvoiliers.ouest-france.fr/meteo/meteo-avec-lintelligence-artificielle-la-prevision-entre-t-elle-dans-une-nouvelle-ere-d8e93bb8-da01-11ee-99ae-ccd25b6a9d42