Modèle d'écoulement en réseau et en cours d'eau (HU)
Traduction anglaise : Flood routing models for pipes and channels
Dernière mise à jour : 16/05/2024
Mot en chantier
Modèle, généralement écrit sous une forme mathématique, permettant de représenter la propagation et la transformation d'une onde de crue dans un système hydraulique (réseau d'assainissement ou réseau hydrographique de surface) et/ou de calculer les hauteurs d'eau atteintes et de déterminer les zones potentiellement inondées.
Sommaire |
Fonctions des modèles d'écoulement
Les modèles d'écoulement font généralement suite à des modèles hydrologiques et s'intègrent dans une représentation dite semi-distribuée (ou détaillée) du système hydrologique simulé (figure 1). Les modèles hydrologiques produisent des hydrogrammes aux exutoires des bassins versants et ces hydrogrammes sont ensuite introduits puis propagés dans les tronçons du réseau hydrographique, naturel ou artificiel, combinés aux jonctions, et transformés au passage d’ouvrages spéciaux par les modèles d'écoulement. Les modèles d'écoulement nécessitent donc une représentation adaptée de ce réseau hydrographique.
Les modèles d'écoulement doivent donc remplir différentes fonctions :
- représenter le décalage temporel et l'amortissement de l'hydrogramme de crue lors de son transfert dans un tronçon ;
- représenter la composition des hydrogrammes aux jonctions, et leur séparation éventuelle aux défluences ;
- représenter l'impact des différents ouvrages (en particulier de stockage : seuil, barrage, bassin de retenue, etc.) et singularités hydrauliques (seuils, chutes, influences aval, etc.) sur la façon dont l'hydrogramme est transféré.
Ces fonctions obligatoires sont complétées par des fonctions supplémentaires qui peuvent être remplies par le modèle lui-même ou par un post-traitement (voir le § suivant) :
- représenter les grandeurs hydrauliques (hauteur et vitesse) associées aux valeurs de débit ;
- en déduire les hauteurs d'eau atteintes dans le lit majeur et l'extension éventuelle de la zone inondée.
Modèles hydrauliques et modèles de transfert d'onde
Il existe trois grandes familles de modèles :
- les modèles issus de la Mécanique des fluides qui résolvent numériquement les équations de Navier-Stokes à 2, 3 ou 4 dimensions ;
- les modèles utilisant les équations de Barré de Saint Venant à 1 ou 2 dimensions ;
- les modèles conceptuels de transfert d'onde.
Modèles issus de la MFN
Les modèles de mécanique des fluides numérique sont aujourd'hui des outils extrêmement puissants, capables de représenter les écoulements à surface libre, en régime permanent ou transitoire, avec 1, 2 ou 3 dimensions d'espace (figure 2). Ils sont cependant extrêmement gourmands en temps calcul et en place mémoire et ne sont encore utilisés que pour des applications limitées ne concernant qu'un petit linéaire et/ou une singularité hydraulique. Ils sont cités ici pour mémoire car il est possible que dans quelques années les progrès de l'informatique permettent de les utiliser de façon plus opérationnelle pour représenter des systèmes hydrauliques complets.
Pour en savoir plus, voir l'article Mécanique des fluides numérique / MFN (HU).
Modèles utilisant les équations de Barré de Saint Venant
Les équations de Barré de Saint Venant permettent de représenter les écoulements à surface libre non permanents, unidimensionnels ou bidimensionnels, moyennant deux hypothèses fortes : l'écoulement doit être graduellement varié et la répartition des pressions doit être hydrostatique ; ils peuvent également être adaptés, et c'est important dans le cas des réseaux d'assainissement, pour représenter les écoulements en charge.
Même si ces hypothèses ne sont pas toujours vérifiées, en particulier dans le cas des crues rapides, l'expérience montre que ce modèle permet de représenter la propagation des crues de façon très satisfaisante, que ce soit en rivière ou en réseau d'assainissement. De plus, comme il utilise la vitesse et la section mouillée (ou la hauteur d'eau) comme variables principales de calcul il est également capable de calculer les lignes d'eau, et, dans le cas des équations bidimensionnelles, de déterminer directement les zones inondées.
Les équations de Barré de Saint Venant s'écrivent sous la forme synthétique suivante :
à une dimension :
et, à deux dimensions :
Dans les deux cas :
- $ U = \displaystyle\binom{S}{V} \quad(3) $ représente le vecteur des variables conservatives (vitesse moyenne et section mouillée) ;
- $ F(U) = \displaystyle\binom{Q}{\frac{V^2}{2} + g.h}\quad(4) $ représente les flux (débit et énergie) ;
- $ S(U) = \displaystyle\binom{q}{g.(I-J)} \quad(5) $ représente les termes sources (débit entrant et apport ou perte d'énergie) ;
Avec :
- $ h $ : Hauteur d'eau (m) ;
- $ S $ : Section mouillée (m2) ;
- $ V $ : Vitesse moyenne dans la section droite (m/s) ;
- $ Q $ : Débit (m3/s) ( $ Q = V.S $) ;
- $ g $ : Accélération de la pesanteur (m/s2) ;
- $ q $ : Apport ou perte latérale de débit (m3/s) ;
- $ I $ : Pente du fond (m/m) ;
- $ J $ : Pertes de charge par unité de longueur (pente de la ligne d'énergie) (m/m).
Les différents termes apparaissant dans la deuxième équation de Barré de Saint Venant peuvent prendre des valeurs très variées et il arrive souvent que certains soient négligeables par rapport aux autres. Il est alors possible de simplifier cette équation et de construire des modèles plus faciles à intégrer. La simplification la plus courante consiste à considérer les termes d'inertie et d'accélération convective comme négligeables. On obtient alors le modèle de l'onde de crue diffusante :
Mais, même s'ils donnent des résultats souvent acceptables dans de nombreux cas, ces modèles simplifiés ont perdu beaucoup d'intérêt avec le développement d'ordinateurs et de logiciels qui permettent de résoudre rapidement les équations complètes, y compris sur des réseaux complexes.
Pour en savoir plus, voir l'article Barré de Saint Venant (équations de) (HU).
Modèles conceptuels de transfert d'onde
Les modèles de propagation d'onde de crue sont des modèles conceptuels permettant de simuler la propagation des ondes de crue dans un système hydrologique.
Ces modèles reposent sur l'équation de continuité (relation 7) auxquels on associe généralement une équation de stockage reliant le volume stocké dans le tronçon aux débits observés ou simulés aux extrémités amont (débit entrant) et/ou aval (débit sortant) du tronçon (relation 8 et figure 3) :
Avec :
- $ Q_e(t) $ : débit à l'entrée du tronçon (m3/s) ;
- $ Q_s(t) $ : débit à la sortie du tronçon (m3/s) ;
- $ V_s(t) $ : volume stocké dans le tronçon (m3).
Les modèles de transfert d'onde les plus connus sont le modèle Muskingum, le modèle de translation simple et le modèle de stock. Dans certains cas, il est même possible d'établir un lien entre ces modèles conceptuels et les modèles simplifiés issus des équations de Barré de Saint Venant (Cunge, 1969).
Pour en savoir plus, voir l'article Modèle de propagation d’ondes de crue (HU).
Représentation du réseau hydrographique
Les modèles d'écoulement en réseau et en cours d'eau, qu'ils s'agissent de modèles hydrauliques (comme les équations de Barré de Saint Venant) ou de simples modèles de transfert d'ondes de crue (comme le modèle Muskingum), nécessitent de décomposer le réseau hydrographique étudié en éléments simples sur lesquels il sera possible d'appliquer les équations adéquates. Ces éléments sont de plusieurs natures :
- des nœuds (qui limitent et connectent les autres objets et permettent de relier les sous-bassins versants au réseau) ;
- des ouvrages spéciaux ou des singularités, qui peuvent être considérés comme ponctuels, par exemple une chute ou un seuil, et qui sont alors affectées à un nœud, ou qui peuvent avoir une certaine extension spatiale (lac naturel ou retenue de barrage, bassin de retenue, etc.) (voir § "Importance des singularités hydrauliques et ouvrages spéciaux") ;
- des tronçons de cours d'eau ou de réseau, supposés homogènes qui discrétisent le réseau hydrographique.
Principes du découpage en tronçons
Le découpage en tronçons est généralement effectué en essayant de conserver des portions aussi homogènes que possible (en profils en travers, pente, nature de matériaux, rugosité, etc.) du système à représenter.
- Dans le cas de la modélisation hydraulique des systèmes d’assainissement, les tronçons sont généralement considérés comme homogènes en pente, rugosité et forme de section.
- Dans le cas de la modélisation d'un cours d'eau, on raisonne plutôt à partir de points particuliers où les caractéristiques du bief sont connues et on considère que la rugosité et la forme de la section évoluent progressivement par interpolation linéaire entre celles des deux sections caractéristiques qui le limitent. En revanche on fait toujours l'hypothèse de la constance des autres paramètres tout le long du bief.
Importance des singularités hydrauliques et ouvrages spéciaux
Les systèmes hydrographiques, qu'ils soient naturels ou artificiels, contiennent souvent de nombreuses singularités hydrauliques et ouvrages spéciaux qui vont jouer un rôle très important sur le transfert de l'onde de crue. Ils doivent donc être correctement décrits et représentés par des modèles hydrauliques adaptés. L'expérience montre que c'est le plus souvent la difficulté à bien représenter ces éléments qui limite les performances des modèles d'écoulement. On trouvera, en particulier mais pas seulement, pour l’hydrologie urbaine, une présentation des modèles utilisables aux articles : Déversoir d'orage (HU) (et autres articles associés), Seuil hydraulique (HU), Chute (HU), Vanne (HU), Orifice (HU), etc.
Dans le cas de l'utilisation des équations de Barré de saint venant, ces singularités jouent un rôle particulièrement important sur les valeurs calculées de vitesse et de hauteur. En effet les hypothèses prises en compte pour les équations ne sont plus valides. Ceci pose des difficultés multiples, par exemple :
- dans un réseau d'assainissement, pour calculer le débit rejeté par un déversoir d'orage, ou,
- dans le cas de la prévision des crues de cours d'eau, pour comparer la hauteur d'eau calculée par le modèle et celle mesurée sur le terrain, les stations de mesure étant justement souvent placée à proximité d'un pont.
Détermination des hauteurs d'eau et des zones inondées
Connaître l'évolution des débits à chacun des points d'intérêt n'est pas suffisant. Il faut aussi connaître les hauteurs d'eau atteintes, condition indispensable pour prévoir les débordements de réseaux d'assainissement ou les zones susceptibles d'être inondées par les crues des cours d'eau. Cette détermination est difficile car la relation entre le débit et la hauteur d'eau n'est absolument pas univoque (à titre d'exemple, dans le cas d'une crue fluviale, le maximum de hauteur d'eau peut se produire plusieurs jours après le pic de débit).
Dans le cas de l'utilisation d'un modèle de propagation d'onde de crue, il n'est donc pas suffisant de rechercher la section mouillée et la hauteur avec une simple hypothèse de régime uniforme.
Cas des réseaux d'assainissement
Dans le cas des réseaux d'assainissement les écoulements se font essentiellement (du moins en France) dans des sections fermées et enterrées. Pour que l'eau arrive en surface la conduite doit donc d'abord se mettre en charge et le débordement se produira lorsque la charge hydraulique deviendra supérieure à la profondeur de la conduite (voir Débordement (HU)).
En théorie, le calcul est donc simple car, si la conduite est en charge et que l'on néglige sa déformabilité ainsi que la compressibilité de l'eau, la relation entre le débit et la vitesse devient bijective, la section mouillée de l'écoulement restant constante puisque la conduite est pleine. Comme on sait établir une relation simple entre les pertes de charge et la vitesse, il suffit donc de tracer la ligne de charge pour trouver les endroits où elle dépasse le niveau du sol (figure 4), ce qui permet d'identifier les zones inondées.
La réalité est beaucoup plus compliquée pour différentes raisons :
- Tant que l'eau s'écoule à surface libre dans la conduite, il y a de l'air au dessus de la ligne d'eau ; au fur et à mesure que le niveau monte, cet air est comprimé et doit s'échapper ; le remplissage total de la conduite, surtout s'il est rapide, va donc s'accompagner de déplacements très brutaux de l'air piégé dans la partie haute et ces déplacements vont très fortement perturber l'écoulement de l'eau, donc la forme de l'hydrogramme (voir figure 5 et article Mise en charge (HU)) ;
- L'eau arrivant en surface ne va généralement pas rester sur place, mais s'écouler dans le réseau de surface constitué par les rues et autres espaces urbains ; la détermination des zones réellement inondées impose donc de représenter aussi les écoulements dans ce réseau de surface, ce qui peut être extrêmement difficile du fait de son caractère totalement artificiel et de la présence de nombreux obstacles (figure 6).
Cas des cours d'eau
Bibliographie
- Cunge, J.A. (1969) : Au sujet d'une méthode de propagation de crue ; Journal of Hydraulics Research ; n°7 ; 1969 ; pp 205-230.